Ça (2017) : est-ce que ça vaut le coup ?


L’arrivée de Ça sur grand-écran aura pris du temps. Plus de 30 ans après la publication de l’ouvrage de Stephen King, déjà adapté en téléfilm, Andrés Muschietti nous livre enfin une version cinéma au budget conséquent. Enorme succès au box-office, It version 2017 est désormais le film d’horreur ayant fait le plus de recettes de tous les temps. L’attente en valait-elle la peine ?

La fin de l’enfance


L’oeuvre originale de Stephen King était, plus qu’un roman horrifique, un récit sur l’enfance et le passage à l’âge adulte se déroulant durant le “dernier été avant la fin de l’enfance”. Le film de Muschietti passe beaucoup de temps avec les enfants, véritables protagonistes du récit. Grâce à une écriture des personnages et à une interprétation des acteurs très fine (dont celle Finn Wolfhard, déjà vu dans Stranger Things et toujours au top), les scènes qui approfondissent les relations entre ces sept gamins sont touchantes, et leurs actions restent toujours crédibles, malgré les situations complètement irrationnelles auxquels ils sont confrontés. Chacun des personnages a sa propre personnalité, et on s’attache à eux très vite. Mention spéciale à Sophie Lillis, dans le rôle de Beverly, qui est une jolie découverte. Rejetés à l'école et victimes de harcèlement scolaire, ils vont former ensemble le “Club des ratés” et enquêter sur les terribles disparitions d’enfants qui surviennent dans la petite ville de Derry et qui seraient causées par “ça”.



“Ça” est une créature qui se nourrit de la peur des enfants. Le clown maléfique Pennywise (Grippe-sou pour les anglophobes) est capable de se transformer en tout et n’importe quoi, et se sert de cette capacité pour se changer dans une représentation des pires cauchemars des protagonistes. Ceux-ci vont donc devoir apprendre à surmonter ces peurs de l’enfance, parfois irrationnelles, comme le jugement de la part d’autrui ou encore l’oppression (voire l’abus) des adultes, afin de vaincre le monstre.

Un film d’horreur ?


Qu’on le dise, It ne va pas aider les personnes atteintes de coulrophobie (peur des clowns). Bill Skarsgård fait un excellent travail pour rendre la créature la plus malsaine possible. Yeux hallucinés, filet de bave, “ça” met le spectateur mal à l’aise dès sa première apparition, la scène de rencontre avec Georgie teasée (pour ne pas dire spoilée) dans la bande-annonce. La mise en scène appuie efficacement la manière très saccadée que le clown a de se mouvoir, la caméra semblant trembler au gré de ses spasmes lorsqu’il attaque. Paradoxalement l’un des moments plus marquants de “ça” est sa danse désarticulée où tout semble bouger de manière étrange, sauf sa tête, fixe, au milieu du plan.



On peut cependant reprocher à “ça” d’être trop présent à l’écran. Si le film s’appuie dans un premier temps sur la capacité que le clown a de se transformer pour faire surgir l’horreur sans montrer Pennywise lui-même, le nombre d’apparitions et d’interactions que celui-ci entretient avec les enfants contribue à banaliser ses interventions, et, de même que les protagonistes parviennent à surmonter leurs peurs, le spectateur aussi s’habitue à l’horreur, qui est finalement trop tangible.

On peut tout de même noter deux ou trois passages où les mécaniques d’horreur fonctionnent vraiment, que ce soit en poussant le malaise à son paroxysme ou en surprenant brutalement (à ce titre, la scène avec Beverly dans la salle de bain nous semble être une des plus réussies du film). De plus, la violence brute infligée à des enfants est une chose très rare dans de grandes productions, Muschietti prend le risque et on apprécie le résultat !

Quand tu sais que tu vas mourir parce que la bande-annonce l'a dit...
Enfin, si “It” ne nous terrorise pas, cela peut aussi être interprété comme un choix de la part du réalisateur de nous montrer que la véritable horreur ne réside pas seulement dans l’apparition de créatures malfaisantes mais également dans le quotidien de ces sept enfants. En abordant des thèmes comme le racisme, le harcèlement, les violences parentales et l'inceste, Muschietti instaure tout au long du film une atmosphère glauque qui maintient le spectateur à cran. Alors que les scènes sans le monstre devraient permettre aux spectateurs de relâcher la pression, la présence à l’écran des adultes (et les relations qu'ils entretiennent avec les enfants) crée au contraire un climat relativement oppressant.


Ne prenez pas le risque d’être déçus ! Ça n’est pas un film d’horreur pure à l’image des films de James Wan (Insidious, The Conjuring) qui ont tant marché ces dernières années. A l’image de Get Out, sorti plus tôt cette année le film de Muschietti se démarque lui par l’intérêt des scènes non horrifiques, par une brillante écriture des personnages et par un savant mélange de genres. A voir donc pour de l’horreur sans des protagonistes aux actions incohérentes et lisses dont on n’a que trop l’habitude. Oui, Ça vaut le coup !

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