Au mois de novembre, deux films sur le tennis inspirés de
faits réels sortent en salles. D’un côté Borg/McEnroe, réalisé par Janus Metz
Pedersen, retrace le parcours des deux joueurs jusqu’à la célèbre finale de
Wimbledon en 1980. De l’autre côté, Battle of the Sexes de Jonathan Dayton et
Valerie Faris présente le duel très médiatisé qui a opposé Billie Jean King à
Bobby Riggs en 1972. Retour sur les points communs et les divergences de ces
deux long-métrages.
Deux films sur le sport ?
Dans Borg/McEnroe, l’affrontement sportif est au cœur du
sujet. Tout tourne autour des deux athlètes et de leur préparation au tournoi.
Des scènes entières de match sont reconstituées, et ça marche super bien ! Ces
séquences, bien que l’on connaisse déjà le dénouement de la compétition, sont
extrêmement intenses et arrivent à nous scotcher au fauteuil : que l’on soit
fan ou non de tennis, on a envie d’applaudir à la fin d’un échange
particulièrement bien joué. La finale de Wimbledon opposant les deux protagonistes
est à cet égard tout simplement remarquable.
Le film prend aussi le temps de s’interroger sur “l’esprit
du sport” et ce qui fait ou non un bon sportif. McEnroe (Shia Labeouf) est
beaucoup critiqué pour son comportement, jugé antisportif, et cela amène à une
réflexion plus large sur la création des icônes et sur ce qu’elles doivent
représenter.
Battle Of The Sexes donne au contraire une moindre
importance à la pratique sportive : malgré les tentatives des réalisateurs de
montrer la passion des deux protagonistes pour le tennis, ce dernier sert
surtout de toile de fond au film pour leur permettre d’explorer d’autres
thèmes. De ce fait, les scènes de match sont bien moins spectaculaires, et
hormis dans le duel final, relativement ennuyeuses.
Le rôle des médias
A la fois dans Borg/McEnroe et dans Battle Of The Sexes, la
place qu’occupent les médias dans la compétition est primordiale. Ceux-ci sont
les instigateurs des rivalités, cherchant à déstabiliser les joueurs et à créer
le buzz autour de ces deux évènements. Bobby Riggs (Steve Carell), tennisman à
la retraite macho qui est à l’origine de l’idée du match contre Billie Jean
King (Emma Stone), vend le duel comme “un coup de pub”, et va le transformer en
véritable show, avec son lot de fanfares, pompom girls et médiatisation. Cela
nous ferait presque penser au “Money Fight” entre McGregor et Mayweather qui a
eu lieu plus tôt cette année. Borg/McEnroe met lui l’accent sur l’impact des
médias sur la psychologie des joueurs, toujours ramenés à leur adversaire, et
sur la pression qui en découle.
Deux approches différentes du Biopic
Les deux films traitent d’un événement historique précis,
mais alors que Borg/McEnroe se concentre sur cette rencontre entre les deux
joueurs (et sur ses conséquences sur la psychologie des personnages), Battle of
the Sexes utilise ce fait au service d’autres thématiques plus vastes telles
que les luttes féministes. Le film présente en effet avant tout le combat des
joueuses de tennis pour l’égalité salariale et la reconnaissance de leur
discipline dans un univers essentiellement masculin. King, la numéro 1
mondiale, va alors prendre la tête du mouvement, d’abord pour s’affranchir de
l’establishment conservateur du milieu, ensuite pour prouver la légitimité des
femmes dans le sport.
Le film traite en parallèle de la quête d’identité sexuelle
de Billie Jean, via une histoire d’amour avec sa coiffeuse Marylin, dans des
scènes touchantes et réussies, montrant aussi que l’émancipation passe par
l’affirmation de soi et par la liberté d’aimer qui l’on veut.
On peut cependant reprocher à Battle Of The Sexes une
réalisation trop formelle, qui peine à appuyer les propos progressistes
soulevés par les réalisateurs. Au contraire, la mise en scène de Borg/McEnroe
renforce la tension présente tout au long du film. La multitude de gros plans
sur les visages des deux protagonistes contribue à faire ressentir leurs doutes
et leurs incertitudes aux spectateurs et la présence de nombreux flashbacks
nous permet de mieux comprendre leur psychologie et d’éprouver de l’empathie
pour eux. On remarque tout de même que pour cet aspect-là, Borg (Sverrir
Gudnason) est traité plus en profondeur que son rival, et c’est dommage, on
aurait apprécié un développement plus poussé de McEnroe et son évolution.
Dans chacun de ces deux films, les deux acteurs principaux
sont excellents et portent l’histoire de bout en bout. N’allez pas les voir
pour les mêmes raisons, s’ils ont en commun leur contexte, Battle Of The Sexes
est un film politique, intéressant bien qu’imparfait (#coupdunsoir) tandis que
Borg/McEnroe est centré sur le tennis et l’esprit de compétition et maîtrise ce
sujet rarement montré au cinéma auparavant (#çavautlecoup).