Une bonne bande-annonce doit donner envie au spectateur
d’aller au cinéma voir le film. Pour remplir cet objectif, elle doit présenter
les personnages ainsi que l’intrigue du film, tout en laissant suffisamment de
zones d’ombre sur le scénario. La présentation va susciter l’intérêt du
spectateur, et l’insuffisance d’informations va lui donner envie d’aller voir
le film pour en savoir plus. La bande-annonce fonctionne donc à la manière des cliffhangers
à la fin des épisodes de séries télévisées, qui laissent une question ouverte
nécessitant le visionnage de l’épisode suivant pour obtenir la réponse.
Les bande-annonces ont beaucoup évolué au fil des années,
abandonnant au fur et à mesure la narration en voix-off qui expliquait le
contenu, pour passer vers un format plus rapide au montage dynamique, où des
phrases de dialogue des personnages ainsi que du texte viennent apporter du
contexte. Si la qualité ainsi que l’efficacité de ces bande-annonces ne peuvent
être remises en question, leurs codes très rigides suscitent de plus en plus de
critiques de la part des spectateurs, qui déplorent cet outil marketing qui
viendrait gâcher les films.
On peut en effet distinguer plusieurs dérives du format des trailers
contemporains, que ce soit au niveau du fond ou de la forme. On prendra
des exemples de films sortis en 2017 pour appuyer notre propos.
On commence par un exemple de très bon trailer pour illustrer notre propos !
Les bande-annonces qui spoilent le film
C’est le cas le plus connu de tous, celui qui fait que
certaines personnes arrivent au cinéma en retard exprès pour ne pas voir la
bande-annonce de tel ou tel film qui va bientôt sortir, cette bande-annonce qui
raconte l’histoire au point où il n’y a même plus besoin d’aller voir le film.
Les exemples se retrouvent surtout dans les films d’action et de
science-fiction à gros budget, notamment les films Marvel, et autres films de
licence aux multiples épisodes. Les campagnes de marketing des grands studios
d’Hollywood s’apparentant plus à du matraquage publicitaire en bonne et due
forme qu’à la recherche de l’originalité, les producteurs cherchent logiquement
à minimiser le risque. Cela conduit cependant parfois à sous-estimer le goût du
spectateur pour l’inconnu, et la bande-annonce se réduit à résumer le film,
quitte à en dévoiler tous les enjeux d’emblée.
Thor Ragnarok sorti en octobre est un bon exemple : dans ce
film, la déesse de la mort Hela prend le contrôle d’Asgard après avoir brisé le
marteau de Thor. Ce dernier se retrouve coincé sur une planète où il est forcé
de combattre Hulk. Il parvient cependant à s’enfuir avec l’aide de Hulk, de
Loki et d’une guerrière, et bat Hela en apprenant à utiliser pleinement ses
pouvoir de foudre. TOUTES ces informations sont présentes dans le trailer
diffusé dans les salles françaises. A part la scène post-générique qui doit
teaser le prochain Avengers, que reste-t-il à découvrir du film ?
Dans certains autres types de films, comme les comédies ou
les films d’horreur, le spoil ne va pas se porter sur l’intrigue, du fait de sa
moindre importance, mais va plutôt révéler certaines scènes clés du film, comme
les meilleures blagues ou les moments flippants dans les deux genres sus-cités.
Que celui qui n’a jamais dit “toutes les meilleures vannes étaient dans la
bande-annonce” à propos d’une comédie me jette son pot de popcorn.
Nous n’avons pas de réponse claire expliquant pourquoi le
marketing en arrive jusque-là, mais on suppose une sorte d’infantilisation du
spectateur, qui aurait besoin d’être tenu par la main et préservé de toute
surprise potentiellement dérangeante. On ne peut pas être déçus du film si nos
attentes sont exactement conformes à son contenu !
Les bandes annonces qui mentent
Ce second type de bande-annonces fait preuve d’encore plus
de mauvaise-foi vis à vis du spectateur que le cas précédent. En effet,
certaines campagnes de marketing partent du principe que les spectateurs
n’iraient pas voir le film s’ils savaient de quoi il en était réellement. Les
bande-annonces vont alors induire le spectateur en erreur quant au ton et au
genre du film. Les distributeurs de Drive (de Nicolas Winding Refn avec Ryan
Gosling) avaient par exemple été attaqués en justice par une américaine qui
considérait ne pas avoir vu le film qui lui avait été vendu - la bande-annonce
présentait en effet un film de voitures à la Fast & Furious.
Deux exemples sont particulièrement parlants en 2017 :
It a été critiqué car ne faisant pas assez peur : la
bande-annonce l’avait en effet vendu comme un pur film horrifique, en insistant
sur les scènes d’horreur, qui ne composent finalement qu’une part du film (voir
notre avis pour plus de détails). Le roman de Stephen King et la démarche de
Muschetti ne visaient justement pas à faire le plus peur possible, mais à
développer le thème du passage à l’âge adulte dans un cadre d’épouvante.
Blade Runner 2049, film de studios à gros budget mais avec
une démarche d’auteur et un propos sérieux, a quant à lui été vendu comme un
film de SF/action, en témoigne la quantité de coups de feu et de coups de poing
que l’on voit dans la bande-annonce, alors que le film est très contemplatif et
prend beaucoup son temps.
Cette dérive est à notre avis probablement la plus
condamnable, car elle peut créer une véritable frustration à l’égard d’un film
de la part des spectateurs qui se sentent floués, voir une généralisation de
critiques infondées, du fait du décalage entre les attentes des spectateurs et
la réalité du long-métrage. On est donc ici sur un problème inverse à celui
qu’on a évoqué précédemment.
Les bumpers, teasers de bande-annonces
On peut enfin évoquer brièvement les bumpers, enchaînement
épileptique d’images durant 5 à 10 secondes situé au début des bande-annonces,
montrant ce que l’on va voir dans la bande-annonce. Un trailer de trailer, on
ne commencerait pas à nous prendre un peu pour des cons ?
Un joli bumper en exemple ci dessous :
Ces pratiques ne sont pas que le fait des méchants
producteurs et distributeurs d’Hollywood qui prennent un plaisir à gâcher le
film des gentils spectateurs, beaucoup de ces types de bande-annonces répondent
aussi à une demande de ces derniers. Les fans ont en effet une relation très
ambivalente vis à vis du spoiler. D’une part, ils le craignent comme la peste,
et la moindre personne qui viendrait dévoiler un petit bout d’intrigue risque
la lapidation. D’autre part, combien de vidéos YouTube viennent décrypter le
moindre bout de trailer à la recherche d’informations sur le film, combien de
théories circulent se basant sur la moindre petite image dérobée ? L’hystérie
que l’on retrouve souvent autour de la bande-annonce d’un film attendu ne fait
que conforter les studios dans leurs pratiques car le verdict est clair : elles
marchent.