Ces articles seront pour nous l’occasion de faire un tir
groupé en revenant rapidement sur tous les films vus au cours d’un mois mais
pour qui l’on n’a pas publié d’avis détaillé. On inclura donc aussi les films
sortis le mois précédent mais qu’on n’avait pas encore vus ou des films vus en
avant-première alors qu’ils ne sortiront que le mois suivant. N’hésitez pas à
commenter si vous souhaitez plus de détails sur un film en particulier !
Au Revoir Là-Haut: Coup de coeur
Très probablement le meilleur film français de l’année.
Adapté du prix Goncourt écrit par Pierre Lemaître, Au Revoir Là-Haut met en
scène des marginaux, deux soldats rentrés des tranchées de la Première Guerre
Mondiale, l’un (Maillard, joué par Dupontel lui-même) seul et ruiné, l’autre
(Péricourt, incarné par Nahuel Pérez Biscayart) physiquement et
psychologiquement mutilé, qui vont mettre en place une arnaque aux monuments
aux morts pour s’en sortir.
Le film est esthétiquement grandiose. La direction
artistique donnant une couleur rétro à l’image ainsi que le sens du cadrage
permettent une immersion totale dans une Paris des années 20 foisonnante. La
première séquence dans les tranchées est elle aussi stupéfiante, et montre la
grande ambition dont Dupontel est capable derrière la caméra.
Le casting impeccable pousse le spectateur à s’investir
pleinement dans l’histoire. Nahuel Pérez Biscayart confirme ainsi après
120 Battements par Minute être la révélation de l’année en offrant une prestation
toute aussi vraie et poignante. Niels Arestrup et Laurent Lafitte sont eux
aussi excellents dans leurs rôles.
Le scénario est quant à lui très touchant, et s’accompagne
d’éléments de dénonciation sociale bienvenus, entre l’hypocrisie de la classe
dirigeante vis à vis des morts et la corruption de l’appareil de l’Etat.
Dupontel, jamais politiquement correct, aborde ces thèmes avec irrévérence et
ironie, nous arrachant un sourire même dans les moments plus dramatiques.
Avec ce passage au très grand budget (à l’échelle
française), Dupontel ne perd rien de son authenticité, et confirme être l’un
des meilleurs cinéastes français actuels.
Logan Lucky : ça vaut le coup
Quel dommage que Logan Lucky se soit si planté au box-office
en France ! Jamais trop sérieux, ce film de braquage est un vrai Ocean’s Eleven
du pauvre, mené par deux losers, les frères Logan (Channing Tatum et Adam
Driver), accompagnés de leur soeur Mellie (Riley Keough) et du braqueur Joe
Bang (Daniel Craig).

Si la préparation et l’exécution du braquage sont prenantes,
Soderbergh captive le plus dans les motivations et dans la caractérisation
qu’il donne à ses personnages. Le réalisateur filme ces représentants de
l’Amérique profonde, ces précaires et prolétaires contemporains avec justesse
et compassion. Les Logan sont loin des braqueurs professionnels en costard des
Ocean’s : Clyde est un vétéran de la guerre d’Irak estropié, Jimmy se voit
licencié du fait des séquelles d’un accident. Ce dernier est d’ailleurs
présenté avant tout comme un père de famille qui se bat pour voir sa fille,
dont la mère bourgeoise a obtenu la garde. Commettre ce braquage est dès lors
une nécessité de survie, et aussi une critique du modèle américain, capable de
mettre ainsi des individus face au mur.
Quelques éléments de satire sociale, une touche d’ironie, un
plan farfelu, Soderbergh fait un retour en pleine forme, pour notre plus grand
plaisir.
Mise à mort du cerf sacré : coup de barre
Le dernier film de Yórgos Lánthimos (The Lobster) est un demi-échec.
On a apprécié la recherche de l’esthétisme du réalisateur donne lieu à de beaux
plans et à des choix de mise en scène appréciables (où l’on sent l’inspiration
kubrickienne). Toutefois, le scénario obscur et le rythme lent rendent le tout
relativement indigeste, et les performances très austères de Nicole Kidman et
de Colin Farrell, pourtant loin d’être mauvaises, n’arrangent rien à l’affaire.
On passe notre temps à se demander où est-ce que l’on va et quand est-ce qu’on
y arrivera. La tension dramatique et les réflexions autour du sacrifice tombent
dès lors un peu à plat. Dommage.
Carré 35 : ça vaut le coup
Dans ce documentaire, Eric Caravaca explore le passé de sa
famille, mêlant interviews avec ses parents, prises de vue récentes et images
d’archives, qu’elles soient ou non de la famille. Cette démarche est au départ
motivée par un mystère. Eric Caravaca avait une petite soeur qu’il n’a jamais
connue, morte à 3 ans avant sa naissance, mais dont ses parents n’ont gardé
aucun souvenir, pas même une photo. Qui était-elle ? Pourquoi a-t-elle été
effacée de la mémoire familiale ?
Non sans transgresser le caractère privé des affaires de
famille, Eric Caravaca va progressivement dénouer le secret autour de sa soeur,
enterrée au Carré 35 de Casablanca, où ses parents avaient vécu. Le résultat de
cette enquête est un film bouleversant, qui sait rester délicat dans la
révélation des secrets intimes de famille, mais qui arrive à instiller un sentiment de malaise chez le spectateur.
Cette recherche de la vérité dans le cadre privé est aussi
remise dans son contexte historique, celui de la fin de la colonisation, des
conflits et des actes cachés qui ont accompagné cette période. Le secret
familial et le trouble qui en découle s’intègre donc dans une perspective plus
large : une identité, qu’elle soit familiale ou nationale, ne se bâtit
sainement que lorsque elle est capable de se réconcilier avec tous les épisodes
enfouis de son histoire.
Libellés : Ça vaut le coup, Coup d'oeil dans le rétro, Coup de barre, Coup de Cœur, Coup de projecteur, Coup dur, En cas d'coup de blues