Rattrapages Novembre 2017 - Sorties du 25 octobre au 1er novembre

Ces articles seront pour nous l’occasion de faire un tir groupé en revenant rapidement sur tous les films vus au cours d’un mois mais pour qui l’on n’a pas publié d’avis détaillé. On inclura donc aussi les films sortis le mois précédent mais qu’on n’avait pas encore vus ou des films vus en avant-première alors qu’ils ne sortiront que le mois suivant. N’hésitez pas à commenter si vous souhaitez plus de détails sur un film en particulier !

Au Revoir Là-Haut: Coup de coeur 

Très probablement le meilleur film français de l’année. Adapté du prix Goncourt écrit par Pierre Lemaître, Au Revoir Là-Haut met en scène des marginaux, deux soldats rentrés des tranchées de la Première Guerre Mondiale, l’un (Maillard, joué par Dupontel lui-même) seul et ruiné, l’autre (Péricourt, incarné par Nahuel Pérez Biscayart) physiquement et psychologiquement mutilé, qui vont mettre en place une arnaque aux monuments aux morts pour s’en sortir.



Le film est esthétiquement grandiose. La direction artistique donnant une couleur rétro à l’image ainsi que le sens du cadrage permettent une immersion totale dans une Paris des années 20 foisonnante. La première séquence dans les tranchées est elle aussi stupéfiante, et montre la grande ambition dont Dupontel est capable derrière la caméra.  

Le casting impeccable pousse le spectateur à s’investir pleinement dans l’histoire. Nahuel  Pérez Biscayart confirme ainsi après 120 Battements par Minute être la révélation de l’année en offrant une prestation toute aussi vraie et poignante. Niels Arestrup et Laurent Lafitte sont eux aussi excellents dans leurs rôles.

Le scénario est quant à lui très touchant, et s’accompagne d’éléments de dénonciation sociale bienvenus, entre l’hypocrisie de la classe dirigeante vis à vis des morts et la corruption de l’appareil de l’Etat. Dupontel, jamais politiquement correct, aborde ces thèmes avec irrévérence et ironie, nous arrachant un sourire même dans les moments plus dramatiques.



Avec ce passage au très grand budget (à l’échelle française), Dupontel ne perd rien de son authenticité, et confirme être l’un des meilleurs cinéastes français actuels.

Logan Lucky : ça vaut le coup 

Quel dommage que Logan Lucky se soit si planté au box-office en France ! Jamais trop sérieux, ce film de braquage est un vrai Ocean’s Eleven du pauvre, mené par deux losers, les frères Logan (Channing Tatum et Adam Driver), accompagnés de leur soeur Mellie (Riley Keough) et du braqueur Joe Bang (Daniel Craig).


Si la préparation et l’exécution du braquage sont prenantes, Soderbergh captive le plus dans les motivations et dans la caractérisation qu’il donne à ses personnages. Le réalisateur filme ces représentants de l’Amérique profonde, ces précaires et prolétaires contemporains avec justesse et compassion. Les Logan sont loin des braqueurs professionnels en costard des Ocean’s : Clyde est un vétéran de la guerre d’Irak estropié, Jimmy se voit licencié du fait des séquelles d’un accident. Ce dernier est d’ailleurs présenté avant tout comme un père de famille qui se bat pour voir sa fille, dont la mère bourgeoise a obtenu la garde. Commettre ce braquage est dès lors une nécessité de survie, et aussi une critique du modèle américain, capable de mettre ainsi des individus face au mur.

Quelques éléments de satire sociale, une touche d’ironie, un plan farfelu, Soderbergh fait un retour en pleine forme, pour notre plus grand plaisir.

Mise à mort du cerf sacré : coup de barre



Le dernier film de Yórgos Lánthimos (The Lobster) est un demi-échec. On a apprécié la recherche de l’esthétisme du réalisateur donne lieu à de beaux plans et à des choix de mise en scène appréciables (où l’on sent l’inspiration kubrickienne). Toutefois, le scénario obscur et le rythme lent rendent le tout relativement indigeste, et les performances très austères de Nicole Kidman et de Colin Farrell, pourtant loin d’être mauvaises, n’arrangent rien à l’affaire. On passe notre temps à se demander où est-ce que l’on va et quand est-ce qu’on y arrivera. La tension dramatique et les réflexions autour du sacrifice tombent dès lors un peu à plat. Dommage.

Carré 35 : ça vaut le coup

Dans ce documentaire, Eric Caravaca explore le passé de sa famille, mêlant interviews avec ses parents, prises de vue récentes et images d’archives, qu’elles soient ou non de la famille. Cette démarche est au départ motivée par un mystère. Eric Caravaca avait une petite soeur qu’il n’a jamais connue, morte à 3 ans avant sa naissance, mais dont ses parents n’ont gardé aucun souvenir, pas même une photo. Qui était-elle ? Pourquoi a-t-elle été effacée de la mémoire familiale ?



Non sans transgresser le caractère privé des affaires de famille, Eric Caravaca va progressivement dénouer le secret autour de sa soeur, enterrée au Carré 35 de Casablanca, où ses parents avaient vécu. Le résultat de cette enquête est un film bouleversant, qui sait rester délicat dans la révélation des secrets intimes de famille, mais qui arrive à instiller un sentiment de malaise chez le spectateur.


Cette recherche de la vérité dans le cadre privé est aussi remise dans son contexte historique, celui de la fin de la colonisation, des conflits et des actes cachés qui ont accompagné cette période. Le secret familial et le trouble qui en découle s’intègre donc dans une perspective plus large : une identité, qu’elle soit familiale ou nationale, ne se bâtit sainement que lorsque elle est capable de se réconcilier avec tous les épisodes enfouis de son histoire. 

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