Star Wars VIII (2017) : une table rase du passé ? (NO SPOIL)


La sortie d’un épisode de Star Wars est toujours un évènement. Places en vente un mois à l’avance, déguisements le jour de la sortie, analyses détaillées de la moindre image, embargo médiatique de Disney, tout est présent pour faire le buzz et créer de l’attente, et Disney sait bien manier son outil marketing. Les Derniers Jedi se trouve cependant face à un défi double : apporter une suite crédible et cohérente aux bases de la nouvelle trilogie introduites dans l’épisode VII, tout en se démarquant suffisamment des opus précédents pour ne pas se faire accuser de recyclage des anciens scénarios. Le film doit aussi accomplir un grand écart : satisfaire les fans très exigeants de la saga, sans perdre de vue le grand public. Alors, la Force est-elle avec Les Derniers Jedi ?

Le plus beau de tous les Star Wars 

Après J.J. Abrams dans Le Réveil de la Force, c’est Rian Johnson (Looper, 2012) qui assure la réalisation de ce nouvel épisode de Star Wars, et livre sans aucun doute la plus belle mise en scène que la saga n’ait jamais connue. Le réalisateur parvient tout au long du film à créer des images fortes et à imposer une personnalité à son oeuvre qui la démarque des autres épisodes (notamment de ceux dirigés par George Lucas lui-même). Le rouge est par exemple la couleur prédominante du film. On le retrouve dans la salle du trône du Leader Snoke, ou encore sur la planète Crait où se déroule tout le dernier acte, dont les sables sont rouges. Cette couleur domine tant le film qu’elle a remplacé le traditionnel jaune du logo dans la campagne marketing.




Du début à la fin, Les Derniers Jedi regorge de séquences intelligemment filmées et de plans visuellement mémorables. Les batailles sont toujours réalisées de manière à rester lisibles, et la chorégraphie des affrontements au sabre laser est faite avec le plus grand soin. Le combat final rappelle à ce titre les duels de samouraïs des films d’Akira Kurosawa. Rian Johnson ose de véritables partis pris de mise en scène, dont une scène d’action époustouflante ou le son est momentanément coupé. D’autres plans, dont un à la fin, sont magnifiques et contemplatifs, et feront le bonheur des nostalgiques de la trilogie originale.


Le propos du film : entre bonnes idées et incohérences du scénario 

Si la forme est très solide, qu’en est-il du fond ? Dans une saga si populaire avec une base de fan si développée, celui-ci va forcément diviser. Le point qui sera probablement le plus sujet à polémique est l’introduction d’une dose d’humour dans les situations et les dialogues. Ces gags et autres comic relief qui tranchent avec le côté épique de la saga ont déjà été décriés à plusieurs reprises (Jar Jar Binks, les Ewoks, etc). A notre sens, cet humour est inhérent à la saga depuis l’épisode VI, et n’est pas un problème tant qu’il est bien dosé et bien écrit, ce qui est le cas dans les Derniers Jedi. Il ne faut pas oublier que la saga Star Wars reprend les codes des contes de fée pour s’adresser aux enfants, l’humour a donc sa place ici.

Coucou les peluches qui vont se vendre par milliers


Rian Johnson ne s’arrête pas là dans les choix osés et potentiellement polémiques : en effet, certaines questions laissées en suspens dans l’épisode VII ayant suscité de multiples théories vont ici trouver leur réponse de manière totalement inattendue, et on apprécie beaucoup ces risques pris dans une production de studio parfaitement calibrée.
Dans la même veine, Star Wars VIII met à la poubelle le message de la deuxième trilogie (les Jedi sont des élus) pour montrer que non, la Force est partout, et toute personne arrivant à la sentir peut devenir un Jedi. Un message plus positif et bien plus proche de celui du tout premier Star Wars.
Dans sa volonté d’émancipation du reste de la saga, les Derniers Jedi fait aussi le pari de voire au delà de la division côté lumineux/côté obscur qui a fait la vision si manichéenne de la saga jusque là. Dans ce film les “gentils” font des erreurs morales, les “méchants” ont des doutes, il existe des nuances entre les deux extrêmes. Cela accompagne aussi un propos plus poussé sur la guerre : la victoire oui, mais à quel prix ?



Cependant, les beaux visuels et le propos intéressant ne nous font pas passer l’éponge sur les multiples incohérences du scénario. Outre les grands classiques de film d’action comme “après une explosion les méchants meurent mais pas les gentils, et ces derniers arrivent à s’enfuir dans le seul véhicule miraculeusement intact”, certains moments cassent l’immersion tant ils se veulent épiques.

MINI SPOILER : on pense à la Princesse Leia (Carrie Fisher), qui se sauve d’une mort certaine de manière complètement ridicule et en contradiction avec le propos du film, ce qui lors de notre séance de cinéma a suscité l’hilarité de la salle.



Enfin, si le duo John Boyega (Finn) et Daisy Ridley (Rey) fonctionne bien, les anciens acteurs lui font de l’ombre. Mark Hamill livre sa meilleure performance en tant que Luke Skywlaker, tandis que Carrie Fisher vole l’écran à chacune de ses apparitions. On apprécie aussi le travail qu’a accompli Adam Driver, beaucoup plus convaincant dans le personnage de Kylo Ren que dans l’opus précédent.




Les Derniers Jedi va probablement diviser autant que l’épisode VII. Certains lui reprocheront ces facilités de scénario, d’autres son humour ou encore la direction générale qu’a pris l’histoire. Si toutes ces critiques sont recevables, Star Wars VIII est un blockbuster qui a le mérite d’oser, et ces risques pris donnent lieu, malgré les défauts, à un bon Star Wars et à un bon film.

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