La sortie d’un épisode de Star Wars est toujours un
évènement. Places en vente un mois à l’avance, déguisements le jour de la
sortie, analyses détaillées de la moindre image, embargo médiatique de Disney,
tout est présent pour faire le buzz et créer de l’attente, et Disney sait bien
manier son outil marketing. Les Derniers Jedi se trouve cependant face à un
défi double : apporter une suite crédible et cohérente aux bases de la nouvelle
trilogie introduites dans l’épisode VII, tout en se démarquant suffisamment des
opus précédents pour ne pas se faire accuser de recyclage des anciens
scénarios. Le film doit aussi accomplir un grand écart : satisfaire les fans
très exigeants de la saga, sans perdre de vue le grand public. Alors, la Force
est-elle avec Les Derniers Jedi ?
Le plus beau de tous les Star Wars
Après J.J. Abrams dans Le Réveil de la Force, c’est Rian
Johnson (Looper, 2012) qui assure la réalisation de ce nouvel épisode de Star
Wars, et livre sans aucun doute la plus belle mise en scène que la saga n’ait
jamais connue. Le réalisateur parvient tout au long du film à créer des images
fortes et à imposer une personnalité à son oeuvre qui la démarque des autres
épisodes (notamment de ceux dirigés par George Lucas lui-même). Le rouge est
par exemple la couleur prédominante du film. On le retrouve dans la salle du
trône du Leader Snoke, ou encore sur la planète Crait où se déroule tout le
dernier acte, dont les sables sont rouges. Cette couleur domine tant le film
qu’elle a remplacé le traditionnel jaune du logo dans la campagne marketing.


Du début à la fin, Les Derniers Jedi regorge de séquences
intelligemment filmées et de plans visuellement mémorables. Les batailles sont
toujours réalisées de manière à rester lisibles, et la chorégraphie des affrontements
au sabre laser est faite avec le plus grand soin. Le combat final rappelle à ce
titre les duels de samouraïs des films d’Akira Kurosawa. Rian Johnson ose de
véritables partis pris de mise en scène, dont une scène d’action époustouflante
ou le son est momentanément coupé. D’autres plans, dont un à la fin, sont
magnifiques et contemplatifs, et feront le bonheur des nostalgiques de la
trilogie originale.
Le propos du film : entre bonnes idées et incohérences du
scénario
Si la forme est très solide, qu’en est-il du fond ? Dans une
saga si populaire avec une base de fan si développée, celui-ci va forcément
diviser. Le point qui sera probablement le plus sujet à polémique est
l’introduction d’une dose d’humour dans les situations et les dialogues. Ces gags
et autres comic relief qui tranchent avec le côté épique de la saga ont déjà
été décriés à plusieurs reprises (Jar Jar Binks, les Ewoks, etc). A notre sens,
cet humour est inhérent à la saga depuis l’épisode VI, et n’est pas un problème
tant qu’il est bien dosé et bien écrit, ce qui est le cas dans les Derniers
Jedi. Il ne faut pas oublier que la saga Star Wars reprend les codes des contes
de fée pour s’adresser aux enfants, l’humour a donc sa place ici.
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Coucou les peluches qui vont se vendre par milliers |
Rian Johnson ne s’arrête pas là dans les choix osés et
potentiellement polémiques : en effet, certaines questions laissées en suspens
dans l’épisode VII ayant suscité de multiples théories vont ici trouver leur
réponse de manière totalement inattendue, et on apprécie beaucoup ces risques
pris dans une production de studio parfaitement calibrée.
Dans la même veine, Star Wars VIII met à la poubelle le
message de la deuxième trilogie (les Jedi sont des élus) pour montrer que non,
la Force est partout, et toute personne arrivant à la sentir peut devenir un Jedi.
Un message plus positif et bien plus proche de celui du tout premier Star Wars.
Dans sa volonté d’émancipation du reste de la saga, les
Derniers Jedi fait aussi le pari de voire au delà de la division côté
lumineux/côté obscur qui a fait la vision si manichéenne de la saga jusque là.
Dans ce film les “gentils” font des erreurs morales, les “méchants” ont des
doutes, il existe des nuances entre les deux extrêmes. Cela accompagne aussi un
propos plus poussé sur la guerre : la victoire oui, mais à quel prix ?
Cependant, les beaux visuels et le propos intéressant ne
nous font pas passer l’éponge sur les multiples incohérences du scénario. Outre
les grands classiques de film d’action comme “après une explosion les méchants
meurent mais pas les gentils, et ces derniers arrivent à s’enfuir dans le seul
véhicule miraculeusement intact”, certains moments cassent l’immersion tant ils
se veulent épiques.
MINI SPOILER : on pense à la Princesse Leia (Carrie Fisher),
qui se sauve d’une mort certaine de manière complètement ridicule et en
contradiction avec le propos du film, ce qui lors de notre séance de cinéma a
suscité l’hilarité de la salle.
Enfin, si le duo John Boyega (Finn) et Daisy Ridley (Rey)
fonctionne bien, les anciens acteurs lui font de l’ombre. Mark Hamill livre sa
meilleure performance en tant que Luke Skywlaker, tandis que Carrie Fisher vole
l’écran à chacune de ses apparitions. On apprécie aussi le travail qu’a
accompli Adam Driver, beaucoup plus convaincant dans le personnage de Kylo Ren
que dans l’opus précédent.
Les Derniers Jedi va probablement diviser autant que
l’épisode VII. Certains lui reprocheront ces facilités de scénario, d’autres
son humour ou encore la direction générale qu’a pris l’histoire. Si toutes ces
critiques sont recevables, Star Wars VIII est un blockbuster qui a le mérite
d’oser, et ces risques pris donnent lieu, malgré les défauts, à un bon Star
Wars et à un bon film.
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